Lula elle est partie.

Ça finira mal.

Month: November, 2015

Le monde pleure pour le Center.

by lulasaysdotnet

Le ronflement régulier du chat qui m’agace un peu. Le froid glacial, piquant, qui nous envahit. La faim qui se fait sentir. L’attente impatiente de nouvelles de toi qui s’achèvera dans un message sans saveur. Ma mère, inchangée.

Besoin de ressentir à nouveau des petites douleurs, des états d’âmes. De vivre des querelles insouciantes et des discussions amères. Sans le dégoût de soi-même qui suit. Sans le “mais comment je peux penser à ma gueule dans des moments pareils ?”.

by lulasaysdotnet

Je sais pas trop quoi dire, tu sais.

Je suis brisée. Parce qu’au fond, j’y croyais encore, j’avais pas perdu espoir. Je faisais la pessimiste, la blasée, la fille qui voit toujours tout en noir, qui dit qu’elle n’aime personne. Mais au fond, j’y croyais. Je pensais que c’était pas possible. Et là, c’est arrivé. Je réalise pas tout à fait, j’ai encore ce déni protecteur, qui ne protège de rien du tout. C’est arrivé. Chez moi. Dans ma ville, là où je vais, là où je vis. Ils ont assassiné. La foule des gens heureux, celle que je côtoie.

J’ai pas envie de te dire que ça aurait pu. Bien sûr que ça aurait pu être moi. J’y étais la semaine dernière, j’y serai dans quelques jours. Je suis tombée amoureuse sur ce trottoir, j’y ai ri, j’y ai pleuré aussi sans doute, j’ai marché, couru, tu sais quoi j’y ai même fait du skate. Ici j’ai dansé comme un manche sans en avoir rien à foutre, j’ai chanté très fort. J’ai eu des frissons. J’ai été déçue. J’ai été saoule, robde comme une queue d’pelle tu sais. J’ai eu froid. Trop chaud. J’ai tout vécu au fond. J’ai même fait l’amour à quelques mètres de là, il faisait un froid de dingue, je me souviens. Bref. Ça aurait pu.

Ça aurait pu et puis. A. y était, je te raconterai pas ce qu’elle a raconté, je laisse ça aux chercheurs de clics et de RT. Elle y était et quand j’ai enfin eu son message qui disait qu’elle allait bien, j’ai pleuré comme un bébé dans les bras de ma mère.

Et puis j’ai réalisé. J’ai pas demandé à Truc. Ni à Bidule. Tu fais la liste de qui tu connais. Tu demandes “est ce que tout va bien ?”. Tout va bien. Façon d’parler.

Je suis brisée. Je me suis fissurée lentement, devant ma télé, sur mon iphone, à voir le nombre de victimes augmenter, la détresse des gens, les avis de recherche – tu te dis que tu deviendrais fou si tu savais pas toi -, les avis de décès, les visages et les noms deviennent familier. Tu pleures à l’annonce de la mort d’une inconnue, parce que ça faisait des heures que tu voyais son sourire partout. Tu pleures quand tes amis te disent qu’ils ont perdu un ami, un collègue, une soeur, une cousine, une prof. Tu pleures. Tu pleures.

Je suis brisée. Comment ça, “même pas mal” ? Comment ça “t’as pas peur” ? Moi je douille ma race. Et j’ai ptetre un peu peur quand même. Il parait qu’il faut s’attendre à ce que ça recommence. 

Pitié non.

J’arrive dans quelques jours, Paris, laisse moi te dire que je vais te serrer contre moi et plus jamais lâcher.